L'oeil qui découvre

Quelques mots avant de partir.

 

Après de nombreuses hésitations, j'ai décidé d'ouvrir une fenêtre sur la recherche que je m'apprête à mener prochainement en Égypte, plus précisément au Caire.

 

Pourquoi ces hésitations ?  J'ai longtemps privilégié ce lien solitaire et secret que j'entretiens avec l'écriture. Je l'ai aimé profondément, intimement, sans chercher à me l'expliquer, et sans ressentir le besoin de devoir l'expliquer. C'était un lieu, à la fois réel et rêvé, où il me serait toujours possible de revenir, quoiqu'il arrive. J'aurais pu tout perdre du jour au lendemain, il me resterait encore cela, ce lieu privilégié qu'on ne pouvait pas m'enlever (à moins de me prendre la vie, bien sûr, mais alors dans ce cas, évidemment, tout serait fini pour de bon).

Ce n'est qu'à partir de 2018 et de l'écriture de mon premier spectacle que s'est insinué en moi le désir de partager ce lieu avec des personnes extérieures, malgré les premiers chocs ressentis, malgré ce sentiment désagréable de m'offrir à un regard inconnu. Première découverte, toutefois: j'ai dû m'avouer que j'en avais ressenti du plaisir (un plaisir un peu coupable, mais un plaisir quand même). Deuxième découverte: j'ai dû m'avouer que j'avais envie de recommencer. À tel point que me voici aujourd'hui sur le point de commencer un cycle de chroniques hebdomadaires qui relateront mon expérience, mon vécu, mes écritures, en terres cairotes pendant six mois.

Ma recherche portera plus précisément sur l'art du conte et sur les cultures de l'oralité en Égypte. Pour mener cette recherche, il me faudra rencontrer des artistes locaux, parler aux habitants, leur proposer d'échanger des histoires. En somme, il faudra en ouvrir, des fenêtres. Ça tombe bien: mon nom de famille veut dire fenêtres, en portugais.

 

Encore quelques mots sur la nature de ces chroniques.

 

Comme il s'agira de récolter des histoires de toutes sortes (anciennes ou quotidiennes, légendes ou faits avérés), il m'est apparu évident que la mienne d'histoire allait s'entremêler avec les histoires des autres (comme cela a toujours été le cas depuis les premiers frémissements de l'humanité). Pour en garder une trace, de cette histoire, et lui donner une certaine consistance, j'ai donc choisi de les regrouper sous le simple nom de chroniques égyptiennes. Mais c'est quoi, une chronique ?

 

D'après le CNRTL (Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales), une chronique est un recueil  de faits historiques regroupés par époques et présentés selon leur déroulement chronologique.

 

Je n'ai pas la prétention d'être un historien. Je ne serai donc probablement pas toujours respectueux du déroulé chronologique des choses (par confusion, par choix, par licence poétique). J'ai toutefois la prétention de raconter les choses telles que je les vois. C'est un regard subjectif, bien sûr, mais c'est un regard subjectif poussé dans les retranchements de son objectivité.

J'inviterai donc mon œil à découvrir, aussi dépourvu de jugement qu'il soit possible de l'être.  D'ailleurs, découvrir veut dire aussi mettre à nu.

 

Charles Reznikoff, un poète du courant objectiviste américain du début du vingtième siècle, a écrit des poèmes-témoignages, sortes de chroniques poétiques qui cherchaient à reconstituer le réel, loin de tout lyrisme imagé.

 

Sa poésie me suit depuis quelques années maintenant et c'est à lui que j'ai pensé en premier lorsque m'est venue l'envie de partager ce séjour.

 

Est-ce que ces chroniques seront aussi des sortes de poèmes ? Ce n'est pas impossible, ça peut m'échapper.

 

Et est-ce qu'elle sera vraiment objective cette poésie ? Pas toujours, il m'arrive parfois de pécher par excès de lyrisme. Il faudra me pardonner.

 

Finalement, il s'agira simplement d'une énième tentative de raconter le monde. Et qu'on soit défaitiste ou pas, qu'on se figure que le monde existe ou pas, peu importe finalement, tant qu'il reste quelqu'un pour le regarder et le dire, à sa façon.

 

 

David Janelas

 

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Commentaires: 3
  • #1

    Caroline Despont (mardi, 26 janvier 2021 21:16)

    Doux voyage David. Je me réjouis de lire tes chroniques.

  • #2

    Maria da Silva Lampreia Janelas Dias (jeudi, 28 janvier 2021 15:30)

    Com um dicionário na frente, à moda antiga, (eu sou duma geração antiga), procurei entender as palavras desconhecidas juntamente com o que resta dos meus 5 anos de estudo de francês no início dos anos 60, e compreender o que te levou ao Egipto. Percebi finalmente e muito me orgulho do meu sobrinho David, cidadão do mundo.Vou estar atenta às crónicas por ti e pela minha curiosidade sobre o desconhecido.Um, grande abraço e muito sucesso.

  • #3

    Vitória Janelas (lundi, 01 février 2021 09:52)

    Viajar, a janela para o mundo...adorei esse teu querer sentir, esse querer estar ligado, o não querer passar vendado por este mundo de multidões...beijinhos nossos David